Culture

Chinon, août 1921 : le coteau s’effondre !

En août 1921, tous les grands journaux nationaux ne parlent que de cela : l’effondrement du coteau de Chinon. Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’il y eut plus de peur que de mal, une quarantaine d’habitations ayant été englouties dans le mouvement de terrain. Mais au moins les dispositions prises en avant ont-elles permis de sauver des vies. Pas toutes les bouteilles de vin en revanche, dont certaines doivent encore être sous terre à l’heure qu’il est !

Mi-août 1921, les caves Vaslins, longtemps considérées comme des dépendances de la forteresse royale, voire des chemins secrets et multiséculaires menant vers la campagne – ce sont en fait des carrières ayant permis la construction du monument et des habitations alentour –, s’affaissent sur 300 à 400 mètres, ce qui provoque l’effondrement du coteau. Un phénomène loin d’être rarissime à Chinon, où, régulièrement, au cours du siècle précédent, le tuffeau s’était désagrégé par morceaux entiers (pesant chacun jusqu’à plusieurs tonnes). Il y eut même des morts en 1805, 1813, 1827...
Dès le 13 août, des signes avaient annoncé la catastrophe imminente : à 22 heures, un effondrement, limité, s’était produit sur le coteau. Le lendemain, tôt le matin, une fissure était apparue rue Porte du Château (qui part aujourd’hui de la cave des Silènes pour rejoindre, en pente douce, la rue du coteau Saint-Martin, balcon sur la vieille ville). Elle n’avait cessé de s’élargir et de poursuivre son chemin, par la rue du Puy des Bancs, la rue Saint-Martin, avant de se perdre dans un champ. Jusqu’à l’inéluctable : l’effondrement du coteau, qui devait emporter quinze habitations.

Le quartier est évacué : « On craint pour la Forteresse et pour le quartier Saint-Martin », peut-on lire sur le site web marie-javelle.fr qui a consacré un long article à ce sujet. Mais le mouvement de terrain va se poursuivre les jours suivants. Pas de victimes, heureusement, mais une quarantaine de maisons détruites.

« Il faut sauver Chinon ! »

Quelques jours plus tard, alerté, Le Figaro, par la plume du très parisien, très emphatique, et très alarmiste M. Gascoin, sonne le tocsin : « Petite ville bourgeoise à la calme existence qu’ennoblit la plus ancienne effigie de la sainte (NDLR : Jeanne d’Arc), nous t’aimons et c’est pourquoi nous poussons ce cri d’alarme : Il faut sauver Chinon, pouvoirs publics que rien n’émeut, bonnes gens de France, Américains, qui avez peut-être plus que nous le souci de nos gloires, il faut sauver Chinon, son cabaret de la Tour Paincte, où Rabelais enfant admirait ʺles beuveurs très illustresʺ, son donjon qui s’écroule, ses remparts enfin qui, après avoir défié l’Anglais, s’affaissent aujourd’hui, vaincus par le temps, notre indifférence et notre oubli. »

À notre connaissance, le donjon n’est pas tombé, et les remparts, comme les Caves Painctes (« la Tour Paincte » ?), ont tenu bon. Mais « la situation du coteau reste grave, relève la Touraine républicaine dans son édition du 25 août 1921, et quelques murs se sont encore écroulés ces jours derniers. La population de Chinon reste dans une vive appréhension. »

Des trésors dans le sous-sol

Le 1er septembre, le même journal révèle que les propriétaires des maisons situées sur le faite du coteau avaient signalé l’existence de fissures profondes deux mois auparavant, ce qui avait permis à la municipalité, ainsi avisée, de prendre les mesures nécessaires pour éviter tout accident de personne. Quant au contrôleur des mines, venu début août puis après les premiers effondrements, il s’était voulu rassurant, ou du moins attentiste. Trop, sans doute. Le journal s’en gausse : « M. le contrôleur des mines aurait dit jeudi dernier : Il faut encore attendre pour voir ce qui va se passer cet hiver ! Sans doute ; et de même qu’au mois d’août il avait conclu : C’est le chaud. En décembre ou janvier, il pourra dire  : C’est la pluie ! Allons-nous rester indéfiniment sous cette menace ? (...) Si le service des mines avait pris la précaution de faire visiter chaque année les carrières qui, sur plusieurs étages, s’enfoncent en multiples branchements dans l’épaisseur du coteau, il est permis de croire qu’on eut constaté des indices révélateurs du danger, et qu’on aurait pu alors procéder aux travaux confortatifs nécessaires. »

Pour autant, il y a un aspect cocasse à ce qu’il faut bien considérer comme un drame : l’éboulement ayant enseveli de précieux millésimes, et tous les flacons n’ayant pu être sauvés par leurs propriétaires ni même dérobés par les pillards, de nombreuses bouteilles seraient encore, 102 ans après, enfouies à quelques mètres sous terre...

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