Culture

Nos entreprises ont du talent : Sébastien David, artisan doreur

À 50 ans tout rond, Sébastien David exerce une profession plutôt rare en France : doreur à la feuille ornemaniste. Dans son atelier de Vernou-sur-Brenne, labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant, l’artisan d’art restaure tous types d’objets en bois et en staff doré et fabrique des cadres sur-mesure de très grand format. Habilité à restaurer les biens des Musées et Monuments Historiques, il intervient aux quatre coins de l’hexagone au chevet des plus incroyables trésors du patrimoine français. Rencontre avec un artisan d’exception, qui a sans nul doute de l’or dans les mains !

Un métier en or

Saint-nicolaisien d’origine, Sébastien a découvert le métier de doreur par hasard. À l’âge de 14 ans, il décroche un stage auprès de l’artisan Pierre Gicquel à Vouvray, alors à la tête de la plus grosse entreprise de restauration de bois doré en France. « Je ne connaissais pas cette profession. » explique Sébastien, « Mes parents sont agriculteurs et les métiers d’art étaient peu connus dans ma famille. Poser de la feuille d’or, j’ai trouvé ça spectaculaire. ». À la fin de son stage, le doreur vouvrillon lui propose un pré-apprentissage, suivi d’un apprentissage de 3 ans. À 18 ans, Sébastien David obtient son CAP au CFA de la Bonne Graine à Paris, la seule école en France à former des apprentis doreurs, et intègre l’atelier de Pierre Gicquel en tant que salarié.

Un coup de foudre professionnel qui va unir les deux hommes pendant près de 19 ans. « Nous étions 7 salariés et j’ai été le seul apprenti formé. J’ai eu la chance d’aller partout avec lui, de voir l’envers du décor des plus beaux sites et musées. J’ai tout appris à ses côtés. » En 2006, suite au départ à la retraite de son mentor, Sébastien David ouvre son propre atelier à Vernou-sur-Brenne : « J’ai du passer l'agrément à restaurer les biens des Collections des Musées et Monuments Historiques de France, comme l’avait fait Mr Gicquel avant moi. » explique l’artisan, « Il a fallu 3 ans pour obtenir cette habilitation. Il n’y a que 5 ateliers en France qui la possèdent. La clientèle s’est constituée tout de suite parce qu’on me connaissait déjà dans le métier. »

Faire du vieux avec du neuf

Un succès qui pousse l’artisan à embaucher un salarié, lui-même formé dans l’ancien atelier vouvrillon. Bien vite, l’épouse de Sébastien, Carine, rejoint son mari : « Je travaillais dans un laboratoire pharmaceutique à l’époque. » raconte-t-elle, « Le choix de rejoindre Sébastien s’est inscrit dans un nouveau projet de vie. Aujourd’hui je l’aide à l’atelier et je m’occupe également de répondre aux appels d'offres, de constituer des dossiers qui expliquent toute la méthodologie de restauration d’une œuvre, etc… Si c’est un métier-passion depuis le plus jeune âge pour Sébastien, pour moi, c’est devenu une passion avec le temps. Aujourd’hui, même quand on part en vacances, on ne peut s’empêcher de rentrer dans les églises et les cathédrales pour regarder les dorures ! ».

Un métier-passion bien plus complexe qu’il n’y paraît lorsqu’on sait que poser la feuille d’or ne représente que 20% de l’activité. Bien avant cette étape cruciale, il faut nettoyer, poncer, reboucher, voire réparer l’œuvre confiée, avant d’y apposer les feuilles d’or : « Un doreur à l’origine, c’est un ébéniste avec une spécialisation en dorure. Suivant l’objet, il n’est pas toujours nécessaire d’appeler un confrère ébéniste pour le réparer. Ça fait partie du métier. » Et quand la réparation n'est pas possible, il faut parfois recréer l’objet dans son entier. On compte ainsi près de 23 étapes pour réaliser à un cadre neuf ! Neuf ? Pas tout à fait… Une fois la feuille d’or posée, intervient une étape très importante du métier de doreur : la patine. Car c’est là que réside le coup de maître de l’artisan : faire du vieux avec du neuf en utilisant une technique qui consiste à « abîmer », « salir », « vieillir » une restauration ou une création. « Si un doreur se met à vous expliquer comment il réalise sa patine, c’est qu’il vous ment ! » plaisante Sébastien. Un secret bien gardé donc, que l’artisan lui-même n’a pu connaître qu’à l’aube de la retraite de son ancien maître d’apprentissage.

Sous les ors de la République

« En 2019, pour l’exposition Ranc du Musée Fabre de Montpellier, nous avons créé une copie d’un cadre régence à l’identique de celui du « Portrait de Madame Bonnier » pour encadrer le tableau « Portrait de Joseph Bonnier ». Il ne s’agit pas seulement de réaliser la structure mais de travailler la patine pour vieillir l’or à l’identique de son cadre jumeau. La passage du temps engendre de l’usure et du gras (dû aux manipulations, à la fumée de cheminée…). Pour cela, nous avons étudié les conditions de vieillissement du cadre pour recréer une usure naturelle. Ça nous a demandé 2 mois de travail à temps plein. Une fois livré, le conservateur n’a pas su dire lequel était lequel. C’est une véritable reconnaissance pour nous. » Ne manquait plus à Sébastien David que la reconnaissance de ses pairs… et c’est désormais chose faite, puisqu’en septembre dernier, le doreur a reçu la plus haute distinction de sa profession : le titre de Maître Artisan d’Art, qui récompense un savoir-faire artisanal d'excellence.

Un savoir-faire qui conduit aujourd’hui Sébastien et son épouse sur les routes de France pour « redorer » les lieux les plus prestigieux. « Nous sommes intervenus sur toutes les dorures du Château de Chenonceau, au sommet du Château de Saumur pour faire des raccords de soudure à 70m de haut, au Théâtre Blossac de Châtellerault sur un chantier de près de 6 mois pour restaurer les balcons, dans la Cathédrale de Chartres sur une dais de procession, au Sénat, à Versailles, à Chambord… Récemment, nous sommes intervenus sur le chantier de Notre-Dame de Paris. Prochainement, nous allons travailler avec le Louvre pour la création d’un cadre. Je connais mieux les réserves que le musée lui-même ! Nous allons là où le grand public ne va jamais, c’est une véritable chance. » Preuve que tous les trésors ne sont pas d’or !

 

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