Culture

Les maisons closes à Tours

Lupanars, bordels, boxons, maisons closes, maisons de tolérance… On a désigné par des termes plus ou moins administratifs, ces endroits à mi-chemin entre la clandestinité et l’institution, selon les époques. A Tours, six de ces maisons étaient en fonction, jusqu’en 1946.

La Lune, rue de Ballan, Le Petit Soleil et Le Singe Vert, dans les rues du même nom, La Psalette, rue Albert Thomas, Le Cocktail, rue de la Vendée, et L’Etoile Bleue, rue du Champ de Mars, ont fait partie d’un patrimoine tourangeau un peu singulier, mais richement documenté, notamment par l’Historien Claude Croubois, disparu en 2015.

Bordels réglementés

Ces maisons, qui bénéficiaient d'une autorisation du maire, délivrée après avis du commissaire central de Police et du bureau d’hygiène, sont à distinguer des hôtels de passe et autres lieux de prostitution occasionnelle. Régies par un règlement, ces établissements étaient soumis à des obligations strictes. La tenancière devait avoir plus de 25 ans et elle seule était autorisée à demeurer sur place, sans son conjoint ni ses enfants. Elle devait tenir un registre de ses pensionnaires, âgée de 18 ans minimum et auxquelles était délivrée une carte, où figuraient également les visites sanitaires et les dépistages réguliers obligatoires des maladies vénériennes. Car ces maladies ne manquaient pas, dont certaines, en outre, ne pouvaient être, à l’époque, efficacement traitées : blennorragie, herpès génital, chancre mou, syphilis, condylomes, gale, sans compter les morpions. Si une pensionnaire contractait l’une de ces maladies et devait être hospitalisée, la tenancière devait en assurer les frais. Outre les prostituées et la tenancière, dont le mari s’occupait de l’approvisionnement en courses, mais aussi du recrutement, les maisons closes abritaient une sous-maîtresse, une cuisinière ou des femmes de chambre.

La star Étoile bleue

La plus connue des maisons tourangelles, l’étoile bleue, sauvée de la destruction au début des années 80, est régulièrement ouverte au public, à l’occasion des journées du patrimoine. Propriété de la Jeune chambre économique de Touraine, elle présente des peintures murales érotiques, de l’artiste Jacquemin, réalisées dans les années 1920, et restaurées en 2013. Construit au XVe siècle, le bâtiment a été réaménagé au début du XXe siècle, se dotant d’une façade Art déco, avec mosaïque rouge et bleue avec demi-colonnes. Un style que l’on retrouve à l’intérieur, notamment dans le grand salon de l’établissement. Parmi les maîtresses qui dirigèrent l’étoile bleue, citons Elisabeth Augereau, Annette Tenadey, la veuve Giroir, ou encore madame Bigot… Pour l’anecdote, l’étoile bleue a servi de cadre à un documentaire biographique de Danielle Costelle consacré à Alphonse Boudard, ainsi qu’à un sketch de Pierre Desproges sur le doublage des films porno pour les malentendants.

En 1946, Marthe Richard, conseillère municipale de Paris, ancienne prostituée, obtient, autant par souci d’émancipation que d’hygiène, la fermeture des maisons closes, imposée par la loi Dominjean. A Tours, selon le commissariat central, 26 prostituées sont alors réparties dans les maisons closes. Celles-ci sont fermées entre les mois de juillet et septembre, et certaines d’entre elles seront utilisées pour le relogement de familles sinistrées.

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