Nous remontons deux millénaires en arrière, à la fin de la période gauloise et au début de la période gallo-romaine, quand fut fabriqué et utilisé ce pot en céramique. Plus précisément entre - 50 et + 20 de notre ère. Il a été retrouvé dans le cadre de fouilles effectuées par le Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire (Sadil) en collaboration avec l’Institut national de Recherches archéologiques préventives (Inrap), en 2022, à Autrèche, sur le site d’une zone d’activités (Portes de Touraine) en projet.

Auparavant, trois expertises avaient été menées sur une surface totale de 40 hectares. Les deux premières n’avaient rien révélé de spécial, mais la dernière a été riche en surprises : deux sites archéologiques ont été découverts, occupant 4,5 hectares. C’est celui situé au nord de l’emprise qui nous intéresse aujourd’hui, un enclos délimité par un fossé profond de 60 cm à 1,20 m, au tracé discontinu. Ce fossé avait peut-être une vocation défensive, ou plus simplement était-il voué à empêcher des animaux indésirables de rentrer, ou plus simplement encore, et plus probablement, à bien marquer les limites de la propriété. « Le fait qu’il soit discontinu démontre que l’occupation n’a pas été très longue, explique Laureline Cinçon, archéologue et responsable du secteur analysé. Pas assez pour terminer l’enclos. À l’intérieur, nous avons mis en évidence des trous de poteau, qui indiquent la présence ancienne de bâtiments, d’habitation ou de stockage. » Le pot en céramique provient du comblement du fossé.

Attention, fragile

Du sommet du comblement, pour être précis, donc des dernières phases de cette opération qui intervenait quand nos ancêtres décidaient d’abandonner un endroit, déposant dans le fossé des objets cassés, donc inutilisables. Ici, 500 tessons ont été mis au jour, constituant au moins trente vases identifiés. Leur collecte a été une phase délicate pour les archéologues, les céramiques, enfouies dans la terre, mais près de la surface, donc de l’eau, du gel, n’ayant dès lors pas été bien conservées, s’étant révélées très fragiles. C’est une chance de voir se dresser devant nous un pot destiné à cuire des aliments – comme le montrent des traces indiquant des différences de température –, reconstitué pour moitié, un peu plus que cela même, ce qui nous permet d’avoir une forme archéologique complète. « Il a été monté à la main. On note une certaine régularité au niveau du bord, cette partie a sans doute été reprise au tour pour égaliser. » Ce genre de vase, produit localement, était assez fréquent en Touraine, notamment à Amboise, où existait, à l’époque antique, un atelier de potier. Celui-là en provenait-il ? Impossible de le savoir ; il n’y a pas le logo du producteur dessus ! C’est une possibilité. Peut-être aussi a-t-il été fabriqué sur le lieu-même de sa découverte, avec l’argile siliceuse répandue en Touraine.

Quels occupants ?

Cet objet, simple, était courant entre le II^e siècle avant J.-C. et le début du I^er siècle après. Par la suite, les vases seront de plus en plus tournés, la cuisson sera plus maîtrisée, et sera le fait de potiers patentés. Arrivés dès le début de la période gallo-romaine, certains, plus décorés, plus élaborés, provenant de régions plus ou moins lointaines de l’Empire romain (amphores de Bétique et de Tarraconaise, en Espagne), ont été retrouvés eux aussi à l’état de tessons au même endroit que notre vase, ce qui confirme la période de création et d’utilisation de celui-ci, du moins celle de sa mise au rebut par le propriétaire qui vivait là. Car l’enclos trapézoïdal, de 90 m de long sur 60 m de large, délimitait, comme nous l’avons dit plus haut, une propriété, une occupation agro-pastorale, avec grenier, bâtiments... Une famille y vivait, peut-être deux, pas plus. Une surface privée courante, un vase commun lui aussi ; or, les morceaux d’amphores retrouvés à côté laissent deviner que le propriétaire n’était pas si commun que cela, lui...