Culture

Sur les traces des Templiers...

Leur nom est synonyme de légende et de mystère : que n’a-t-on pas écrit sur les Templiers, leur fabuleux trésor, leur procès, la fin du grand-maître Jacques de Molay, sa fameuse prédiction sur le bûcher – « soyez maudits ! » – à l’adresse du pape Clément V et du roi Philippe le Bel... Comme partout en France, la présence des Templiers est attestée en Touraine, et pas seulement à Chinon, où fut emprisonné et torturé Jacques de Molay. Où précisément ? La réponse nous est apportée par Jean-Claude Chaussée. C’est en étudiant l’histoire de sa propriété, une ancienne maison templière située à Saint-Cyr-sur-Loire, que l’ancien dirigeant de l’Institution Notre-Dame la Riche s’est intéressé à l’Ordre religieux et militaire, au point de devenir un spécialiste de ce passionnant – mais complexe – sujet.

L’Ordre du Temple (allusion au Temple de Salomon) a été fondé au XIIe siècle par le chevalier champenois Hugues de Payns entouré de quelques compagnons nobles et chevaliers comme lui. La mission de ces moines-soldats recouverts d’un manteau blanc à croix rouge pattée ? Courir les routes pour veiller à la sécurité des voyageurs et des pèlerins en chemin vers la Terre Sainte. Œuvre qui nécessitait des moyens financiers considérables pour être menée à bien... C’est la raison pour laquelle fut créé à partir de 1127, à travers l'Europe et à partir de dons qui provenaient souvent de la noblesse, un réseau d’établissements religieux, des commanderies pourvues de privilèges notamment fiscaux, « une commanderie templière étant un ensemble de bâtiments tenant à la fois du monastère et de la ferme de rapport » (Hervé Baptiste). La maison du Temple, ou baillie – le terme « commanderie » n’apparaîtra qu’au début du XIVe siècle – était somme toute une exploitation agricole, où vivaient des chevaliers, mais aussi des employés, des métayers, etc. Elle se composait d’une chapelle (uniquement destinée aux Templiers), d’un logis avec cuisine, réfectoire et dortoir, d’une salle du chapitre, de communs (ateliers, granges, écuries, étables, colombiers, porcheries, etc.). Certaines commanderies possédaient une hôtellerie pour les pèlerins de passage, un hôpital pour les Templiers blessés au combat, une prison ; elles étaient entourées d'un mur de clôture.

À travers la Touraine

Le territoire qui compose le département d’Indre-et-Loire actuel comprenait une douzaine de commanderies templières, répertoriées par Jean-Claude Chaussée, ancien enseignant en histoire et directeur de l’Institution Notre-Dame la Riche, pris de passion pour ce thème quand il s’est rendu compte qu’il vivait, à Saint-Cyr-sur-Loire... dans une ancienne maison templière, rue de la Chanterie ! Une vraie découverte d’historien – et sujet d’un master d’Histoire médiévale obtenu récemment, en attendant un doctorat – car nul ne l’avait ne serait-ce qu’imaginé avant lui. « Fondée par Hugues Ier d’Amboise et de Chaumont, comme celles d’Amboise et de Tours, elle s’appelait la Maison des Huit Hommes. Elle a été créée en 1128, avant même que les règles de fonctionnement des Templiers ne soient établies. Au départ, il leur a fallu défricher cette terre qui était quasiment à l’abandon. »

La Maison des Huit Hommes : un toponyme populaire donné par les paroissiens de Saint-Cyr aux XIIe et XIIIe siècles, et qui n’a pas manqué de susciter l’intérêt du chercheur. « Il y avait ici, jusque vers 1187, l’équivalent d’un escadron, qui était composé (en plus d’un commandant et d’un porte-fanion) de huit chevaliers, précise-t-il. La bataille de Tibériade a été une hécatombe, il a fallu procéder à une réorganisation après cette date. À mon avis, il n’y eut plus alors, dans cette vaste propriété qui couvrait 700 hectares, que des employés. »

Voilà, rapidement évoquée, l’histoire de la Maison des Huit Hommes – narrée plus longuement et en détails dans le bulletin de la Société archéologique de Touraine (tome LXVII, 2021, p. 1-14) –, dont le mode de fonctionnement était à peu près similaire aux autres maisons du Temple en Touraine, situées à Ballan, L’Ile Bouchard, Francueil, Dolus-le-Sec, Frétay (près de Loches), Lautière (Azay-le-Rideau), La Chastre-aux-Grolles (Verneuil-sur-Indre), L’Épinat (Barrou) et Saint-Nicolas-du-Gast (Sonzay).

La chute finale

Au début du XIVe siècle, défaits à plusieurs reprises en Terre Sainte, chassés de Saint-Jean-d’Acre, tout en menant en Occident une vie de pauvreté vouée au travail de la terre, à la prière et à la préparation militaire (à St-Cyr-sur-Loire, le terrain d’entrainement désigné par le toponyme les Chevaleries se situait à proximité du couvent – le moustier – et des écuries – la Chevalerie), les Templiers affrontèrent le courroux de Philippe le Bel. Les raisons de la colère sont multiples : conflit du roi avec la papauté alors que les Templiers dépendaient directement du pape (ils constituaient un État dans l’État !), supposées richesses de nos moines-soldats, supposée autorité de Philippe le Bel liée à sa descendance de Saint-Louis, etc.

Après avoir répandu des rumeurs d’hérésie sur leur compte, Philippe le Bel obtint du pape qu’une enquête soit ouverte, fit saisir tous les biens des Templiers et les fit arrêter partout en France. Après leur procès, le grand maître Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, son second, furent brûlés vifs en mars 1314 en face de Notre-Dame de Paris. L’Ordre fut dissout le 22 mars 1312, ses biens légués aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (futur Ordre de Malte). Mais la famille royale mit plus de cinquante ans à rendre les biens séquestrés. Parfois même, ils furent vendus, comme à Tours et à Saint-Cyr.

Au bûcher, mais absous

Connaissez-vous le parchemin de Chinon ? Il s’agit d’un document de 1308 qui prouverait l’absolution secrète par le pape des soi-disant péchés de Jacques de Molay et des autres dignitaires de l’Ordre du Temple, ceci après enquête menée par des agents de Clément V auprès des accusés enfermés et interrogés dans la forteresse de Chinon (où des graffitis gravés dans la pierre témoignent de leur passage...). Découvert en 2002 par une historienne italienne, il a été publié par le Vatican en 2007.

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