La découverte a été faite dans le lit de la Choisille, près du Pont de la Motte, un nom qui fait allusion à la motte féodale de Montboyau qui le domine au sud-est de Fondettes. Ce promontoire est connu des archéologues et des historiens. Ici ont par exemple été retrouvées, en 1956, 904 monnaies gauloises enfermées dans un vase et datant de -50 à - 40 avant J.-C. Auparavant, en 1890, les restes d’une villa romaine avaient été mis au jour dans le parc du château de Chatigny. On connaît aussi le pont romain (6 avant J.-C.-106 après J.-C.) implanté face au débouché de la vallée de la Choisille, au pied de l’oppidum de Montboyau.

Plus près de nous, on sait que les troupes d’Henri de Navarre, avant qu’il ne devienne Henri IV, avaient occupé les lieux le 30 avril 1589 et que ce dernier « ne fut pas sans laisser des éléments de son armée au campement du Pont de la Motte » (Leveel P., Plessis-lès-Tours 1589 : vers le passage des Valois aux Bourbons, BSAT, XLII, 1989, p. 137-155). Des éléments de son armée... et de son armement. Car c’est à cet épisode de l’Histoire de France que le boulet trouvé récemment peut être directement lié !

Un boulet français

Composé de fonte de fer, l’objet, d’un diamètre de 16,2 cm et d’un poids de 15,250 kg, présentant quelques impacts et un niveau de couture sur tout son périmètre – car les boulets étaient fondus dans un moule constitué de deux hémisphères – est typique de ces boulets fabriqués en France à partir du troisième quart du XVe siècle, après la révolution du « boulet métallique ». Il s’agit très vraisemblablement d’un boulet de 33 livres utilisé pour l’un des plus imposants canons français de l’époque. L’archéologue Christophe Lebrun, qui nous a fourni toutes les informations nécessaires à la rédaction de cet article, précise qu’en l’absence de standardisation, il y avait de petites différences entre les boulets qui alimentaient pourtant un même canon. Un boulet de 33 livres français pouvait atteindre jusqu’à 16,9 cm de diamètre pour un poids de 16,15 kg, un peu plus, donc, que celui trouvé à Fondettes...

À partir de constatations et de recoupements, les spécialistes raccrochent directement cet objet aux guerres de Religion, qui ont vu, dans tout le royaume et donc en Touraine, des affrontements sanglants entre catholiques et protestants, en particulier en 1561 puis en 1562 ; Tours, prise par les protestants ralliés au prince de Condé, reprise par les catholiques, fut cette année-là le théâtre d’un massacre des premiers. Les protestants seront de nouveau visés après la mort du duc d’Anjou en 1584, événement faisant d’Henri de Navarre l’héritier légitime du trône.

Des conséquences incalculables

À partir de 1584, la Ligue catholique (regroupant les radicaux militaires et politiques catholiques) se renforce, Henri III doit quitter Paris, contrôlée par le chef des ligueurs ; il se réfugie à Tours le 6 mars 1589, faisant de notre ville sa nouvelle capitale. Le maire et lieutenant général, Gilles Duverger, proche des ligueurs, s’enfuit. C’est alors qu’Henri de Navarre, qui combat les Ligueurs avec détermination dans différentes provinces, vient positionner ses troupes au Pont de la Motte le 30 avril 1589. En clair, il vient défendre Henri III en danger face à la Ligue. L’alliance entre le dernier des Valois et le Bourbon est scellée le même jour au château de Plessis-Lès-Tours par « une grande embrassade ». Mais elle va plus loin, lorsque Henri III doit subir le 8 mai 1589 une attaque de la Ligue depuis le faubourg de Saint-Symphorien : l’attaque est repoussée grâce aux troupes d’Henri de Navarre et à leur jonction avec celles du roi.

Un épisode fameux, aux conséquences incalculables (que serait devenu le royaume de France si Henri III avait été vaincu ? Aurait-il été « satellisé » par l’Espagne ?), que nous rappelle le boulet trouvé en septembre 2022...