Dans votre dernier ouvrage, vous vous intéressez à un symbole que l’on retrouve dans toutes les mairies, ou presque : Marianne. Qui est-elle ? Que représente-t-elle ?
Marianne, c’est la République française ! C’est un emblème qui a été créé par les fondateurs de la République en 1792. Ils ont choisi une femme portant le bonnet phrygien, symbole de la liberté. Le prénom est arrivé plus tard. Au départ, c’était un nom familier qui lui avait été donné par les ennemis de la République. C’était un terme moqueur pour tourner en dérision ce gouvernement du peuple. À l’époque, Marianne était un prénom très répandu dans les milieux modestes. Comme on dirait aujourd’hui « la Marie ». Mais il a été ensuite assumé par les républicains.
Le buste de Marianne est présent dans la plupart des mairies de France. Est-ce le même partout ?
Il y a deux choses à savoir. D’abord, ce n’est pas un insigne officiel. C’est une image folklorique qui est partie du peuple. Les premiers républicains ont voulu donner un visage et une forme à leur idéal. Deuxièmement, aucune mairie n’a l’obligation d’avoir une Marianne. C’est le choix du maire, qui opte pour le modèle qu’il souhaite. Car il n’y a pas de modèle officiel.
Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas parce qu’un buste a été créé par untel ou untel que les maires mettent leur Marianne dans le grenier pour acquérir la nouvelle. En général, les Marianne que l’on voit dans les mairies sont très anciennes. La tradition de les installer en mairie est vraiment née sous la IIIe République, au fur et à mesure que les idées républicaines se sont implantées dans le monde rural. Acheter ce symbole, c’était le premier geste de la nouvelle équipe municipale.
Il n’y a pas de modèle officiel, mais il y a eu des modèles célèbres !
Marianne est une allégorie. En principe, elle a un visage anonyme, car une allégorie est universelle. C’est une erreur de penser que Marianne a forcément un visage connu.
Donner à Marianne un visage connu est une mode née en 1968, lorsque le sculpteur et dessinateur Aslan, qui dessinait des pin-up dans le magazine Lui, a créé un buste sur le modèle de Brigitte Bardot. Il l’a fait pour s’amuser, mais un de ses amis maires en a voulu un exemplaire. Il y a eu des photos dans la presse, et cela a fait le buzz, comme on dit de nos jours. Au point que Valéry Giscard d’Estaing a installé le même buste dans sa mairie de Chamalières ! Le modèle a été adopté par les ateliers de moulage du musée du Louvre, qui l’ont inscrit à leur catalogue. Tout le monde peut commander ce buste pour sa mairie.
Aslan a par la suite créé un buste sur le modèle de Mireille Mathieu. Si le buste de Bardot a été considéré comme étant « de gauche », symbolisant la libération des mœurs avec un relent de mai-68, celui de Mireille Mathieu a été conçu à destination des maires conservateurs. Il a eu moins de succès... Mais il est lui aussi au catalogue des moulages du musée du Louvre.
Pour ma part, j’ai lancé le buste à l’effigie de Catherine Deneuve en 1985. J’étais sur Europe 1 à l’époque, j’ai été soutenu par le ministre de la Culture Jack Lang. C’était un concours. Vingt bustes ont été réalisés, un jury a choisi le lauréat.
Marianne est une passion, vous la collectionnez sous toutes les formes...
Je suis tombé amoureux de Marianne en la rencontrant régulièrement dans les mairies où j’allais faire mes émissions, « Bonjour monsieur le maire », sur Europe 1. C’est là que je me suis aperçu que les bustes variaient d’une commune à l’autre, certains tricolores, en plâtre, en terre cuite, avec une allure différente. Quand j’ai arrêté l’émission, je me suis mis à les collectionner. Dès que je voyais un buste dans une brocante ou sur un marché aux puces, je l’achetais pour l’amener chez moi. J’ai eu le virus de la collectionnite, jusqu’à posséder plusieurs centaines de bustes ! Le Sénat et l’Assemblée nationale ont accepté d’abriter une partie de cette collection. Mais je collectionne Marianne sous toutes ses formes : bibelots, dessins, affiches, etc.
Le 7 décembre se déroulera à Tours le congrès des maires d’Indre-et-Loire. Au cours d’une cérémonie, et en votre présence, une vingtaine d’entre eux, qui n’en avaient pas jusque-là dans leur mairie, recevront une Marianne. Que pensez-vous de cette démarche initiée par le Département ?
C’est formidable ! C’est la première fois, je crois, qu’un département prend cette initiative, afin d’assurer une présence de Marianne dans toutes les mairies. Ce n’est pas anodin. Même si la République fait l’objet d’un consensus, c’est tout de même important de rappeler ses valeurs. Le buste de Marianne, c’est affirmer la présence de la République dans chaque parcelle du territoire. « Ici, on est en République », c’est ce que cela signifie. Et il n’est pas inutile de redonner des couleurs à Marianne.
Pour terminer, quelques mots sur notre Touraine que vous connaissez bien ; par exemple, vous êtes un habitué de la Forêt des Livres, chaque fin août à Chanceaux-près-Loches...
En effet. Je vais aussi régulièrement au festival des roses, à Chédigny. Un rosiériste a créé une rose à mon nom, elle a été baptisée là-bas en mai dernier. Je connais très bien l’Indre-et-Loire ; c’est probablement le département où j’ai fait le plus de « Bonjour monsieur le maire » !
À lire : Je vous salue Marianne, Pierre Bonte, éditions Place des Victoires, 200 p., 19,95 €
Publié le 07/12/2022 par le Conseil Départemental d'Indre-et-Loire